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West Hollywood
19 h 09
Arrivé en haut d’un escalier en béton long et étroit, Dark se dirigea vers la porte d’un appartement. Son nouveau foyer – celui que Riggins lui avait déniché, principalement pour y entreposer le nécessaire.
Il s’arrêta devant, clé à la main, un moment en proie à la paranoïa. Sqweegel avait-il suivi les déménageurs ? Ou Riggins, qui avait personnellement monté les cartons jusqu’à ce troisième étage ?
Était-il quelque part à l’intérieur, tapi dans un coin ou sous un évier ?
Dark l’espérait presque. Il aurait aimé pouvoir lui mettre la main dessus, ne fût-ce que quelques secondes. Même si cela lui coûtait la vie. Il avait simplement envie de lui administrer une correction pour s’être introduit chez eux. Leur unique refuge. Celui qu’ils s’étaient construit, Sibby et lui.
Mais peu importait pour l’instant. Il avait une mission à accomplir.
Dark ne s’était pas encore changé et sa chemise portait encore des taches du sang de Sibby. Dans la salle d’attente, Riggins l’avait regardé avec inquiétude avant de lui conseiller fermement de rentrer chez lui prendre une douche et mettre des vêtements propres, avant que des gens portent plainte, bon sang. Il devait avoir raison.
Mais ce serait pour plus tard. Il devait s’occuper d’abord d’une petite question qui lui trottait dans la tête depuis quelques heures.
Il entreprit d’ouvrir et de fouiller des cartons. Riggins lui avait dit avoir lui-même supervisé le déménagement ; Dark espérait qu’il avait pensé à prendre son ordinateur portable. Étant méthodique, il avait besoin de classer les éléments de réflexion d’une certaine manière, et son ordinateur l’y aidait.
Dans le troisième carton, il trouva un objet carré enveloppé dans du papier de soie bleu. Il le déballa et s’arrêta net. Une photo de Sibby, avant leur rencontre, quand elle était encore danseuse dans une compagnie. C’était la première qu’elle lui avait donnée. Dark adorait la voir sur scène. En fait, même la voir traverser une pièce suffisait à le ravir.
Quand elle avait enfin cédé, il était resté à contempler la photo pendant des heures en se demandant ce qui l’attirait. Ce n’était pourtant ni un détail ni un trait physique : c’était Sibby qui dansait, soit le plus beau spectacle qu’il ait jamais vu.
Il remballa soigneusement le cadre d’un main un peu tremblante, en prenant soin de ne pas déchirer le papier ni de laisser voir qu’il l’avait ouvert. Puis il le rangea dans le carton, frôlant au passage les anciens chaussons de danse de sa femme, posés avec les autres souvenirs de leur heureuse existence, referma le carton et le rescotcha.
Dans le quatrième, il trouva une autre photo qui les montrait ensemble l’été précédent, juste après qu’ils eurent commencé à se voir régulièrement. Elle portait une robe jaune qui lui allait à merveille et qu’il s’empressa de lui enlever lorsqu’ils rentrèrent chez elle à la fin de cette journée…
Et ce corps maintenant couvert de contusions et de blessures gisait, douloureux, dans un lit d’hôpital non loin de là.
Dark se ressaisit. S’il n’y prenait garde, il était capable de se perdre dans ses souvenirs. Et cela n’arrangerait rien pour Sibby. Il devait se consacrer à l’affaire, ne fût-ce que pour se changer les idées en attendant qu’elle reprenne conscience.
Il trouva peu après le carton contenant tout ce dont il avait besoin : son portable, une imprimante sans fil, une rame de papier et des stylos. Il s’installa avec son matériel, assis en tailleur au milieu du salon éclairé par une lampe de bureau. Le reste du monde pouvait disparaître pour le moment.
Dark savait qu’il trouverait la réponse dans la petite comptine de Sqweegel.